Après avoir essayé de fuir secrètement vers l’Est pour retrouver l’armée royaliste de Bouillé à Metz qui devait la remettre solidement sur le trône, la famille royale – qui avait quitté le palais des Tuileries dans la nuit du 20 au 21 juin 1791 – fut arrêtée à Varen...
Après avoir essayé de fuir secrètement vers l’Est pour retrouver l’armée royaliste de Bouillé à Metz qui devait la remettre solidement sur le trône, la famille royale – qui avait quitté le palais des Tuileries dans la nuit du 20 au 21 juin 1791 – fut arrêtée à Varennes le 21 juin même. Louis XVI fut immédiatement suspendu de ses fonctions et la famille royale, qualifiée de traitre à la nation, fut ramenée à Paris et placée sous haute surveillance aux Tuileries.
Assignée à résidence, et très strictement surveillée, la reine Marie-Antoinette entretenait dès lors une correspondance codée avec plusieurs de ses fidèles. En effet, alors que plusieurs aristocrates, tels le comte d’Artois frère de Louis XVI et futur Charles X, avaient choisi l’exil dès le lendemain du 14 juillet 1789, quelques-uns étaient restés fidèles à leurs souverains et, au péril de leurs vies, avaient tenté le tout pour le tout pour les sauver.
Parmi ces derniers fidèles, le comte hongrois Valentin Esterhazy tint une place privilégiée. Ce « compatriote », comme le qualifiait la reine parce qu’il était sujet de l’Empire des Habsbourg, servait d’une part d’agent avec les puissances étrangères, mais aussi et surtout d’intermédiaire avec le beau comte suédois Axel de Fersen, organisateur de l’évasion manquée mais aussi, on le sait aujourd’hui avec certitude, son l’amant de la reine.
Le 5 septembre 1791, Marie-Antoinette, recluse aux Tuileries, adresse ainsi à Esterhazy une lettre sibylline.
Voici ce que dit la lettre :
« Je suis charmée de trouver cette occasion pour vous envoyer un petit anneau qui sûrement vous fera plaisir. Il s’en vend prodigieusement ici depuis trois jours, et on a toutes les peines du monde à en trouver. Celui qui est entouré de papier est pour Lui. Faites-Lui tenir pour moi ; il est juste à sa mesure. Je l’ai porté deux jours avant de l’emballer. Mandez-lui que c’est de ma part. Je ne sais où il est. C’est un supplice affreux de ne savoir pas même où habitent les gens qu’on aime. »
Celle lettre suivait une lettre déjà adressée le 11 août 1791 à Esterhazy :
« Si vous Lui écrivez, dites-lui bien que bien des lieues et bien des pays ne peuvent jamais séparer les cœurs : je sens cette vérité tous les jours davantage ».
Qui se cache derrière ce « Lui » mystérieux flanqué d’une majuscule ? Ce « Lui » désignait à l’évidence Axel de Fersen, son amant. Longtemps supputée mais jamais formellement établie, cette liaison est depuis peu clairement prouvée grâce aux résultats des très récentes études menées sur les lettres codées de Marie-Antoinette [1] ; lettres non seulement codées, mais également caviardées au xixe siècle vraisemblablement par Fersen lui-même, ses descendants ou les dépositaires de ses lettres. Pour mieux saisir la signification de cette la lettre très particulière du 5 septembre 1791, il est intéressant de se plonger dans la correspondance d’Esterhazy. Quelques semaines après la lettre de la reine, le 21 octobre 1791, le comte hongrois écrit à son épouse depuis Saint-Pétersbourg, empruntant à son tour des noms de code pour désigner les protagonistes :
« J’ai reçu une lettre d’Avillart que Bercheny a apportée à Coblence et qu’il a remise au courrier avec un petit anneau d’écaille et d’or sur lequel il y a écrit : Domine salvum fac regem et reginam ; tu en as peut-être vu ? Il me mande que c’est dans la lettre qui t’a été remise, qu’il m’indique le moyen de lui écrire. […] Il m’envoie aussi un anneau pour le chou Mais je ne sais où le prendre. Sa lettre est touchante ; elle me recommande de ne pas croire à la calomnie et de ne jamais douter ni de la noblesse de sa façon de penser, ni de son courage. »
« Avillart » désignait Marie-Antoinette et le « chou » désignait Fersen. Le fait est donc historiquement établi : Marie-Antoinette a bien envoyé deux bagues au comte Esterhazy dont l’une à l’attention de celui dont l’absence la faisait tant souffrir. Contrairement aux apparences, qu’elle adresse à l’un de ses fidèles une bague n’avait rien d’extraordinaire. En effet, beaucoup de royalistes après l’échec de la fuite à Varennes se pressèrent aux Tuileries pour obtenir un « objet-souvenir » de la reine. Marie-Antoinette remit ainsi à plusieurs personnes, les mémoires du temps en font état, des anneaux avec des inscriptions royalistes symboliques telles que Domine salvum fac regem et reginam… (Seigneur, sauvez le roi et la reine), verset d’un psaume biblique mis en motet pour servir notamment lors de la célébration de la messe durant l'Ancien Régime. On chantait ce motet dès le règne de Louis XIII à la chapelle royale et on peut encore voir aujourd’hui cette inscription au plafond, au-dessus de l'orgue, de la chapelle du château de Versailles.
En revanche, ce qui à la bougie de l’Histoire mérite notre attention, c’est que, malgré le danger, au-delà des précautions et du codage du contenu, Marie-Antoinette révèle deux secrets dans sa lettre. D’une part, le destinataire est si cher à son cœur qu’elle a pris soin de porter la bague durant deux jours avant de l’emballer et, d’autre part, qu’elle connaissait avec exactitude la taille de ses doigts. Par conséquent, le destinataire de la bague, un homme en l’espèce (« LUI »), avait déjà été suffisamment intime avec la reine, au-delà de toutes les conventions et de tous les usages, pour avoir déjà dans le passé, selon toute vraisemblance, soit fait essayer à la reine l’une de ses bagues ou pour avoir essayé à son doigt une bague que portait la reine.
Quelles sont ces bagues ? En 1905, lors de la publication des Mémoires d’Esterhazy, l’éditeur scientifique Ernest Daudet évoque un anneau, lequel était encore conservé par Paul Bezerédj, arrière-petit-fils du comte Esterhazy. Il était, selon l’annotateur, « en or tout uni, à double face. D’un côté sont gravées trois fleurs de lys, de l’autre cette inscription : “Lâche qui les abandonne”. »
La devise « Lâche qui les abandonne » était largement répandue en 1791 auprès des royalistes qui l’utilisaient comme une sorte de cri de ralliement en forme d’avertissement. Ainsi, d’après sa notice nécrologique en 1852, le marquis de Villeneuve-Arifat, alors qu’il évoquait ses souvenirs à sa famille, mentionnait que la reine lui avait offert, lors de leur dernière entrevue aux Tuileries, une « bague talisman » avec cette même inscription.
Peu importe, l’Histoire retiendra de cette bague ce merveilleux talisman d’amour qu’une reine au bord de l’abîme, consciente de son destin tragique et inéluctable à venir, dans le supplice de l’absence de celui qu’elle porte si fort secrètement dans son cœur, a voulu nourrir de tout son être et de toute son âme durant deux jours avant de s’en défaire, comme on lance une dernière bouteille à la mer. Un « Je t’aime » pour l’éternité…
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